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Conte de La flamme violette écrit par Galatéa Courbet sur l'alchimie

Galatéa COURBET

Dans une grande et noble bâtisse logée au fin fond du paysage de Cantalien une triste nouvelle venait d’être annoncée. Un médecin venait de diagnostiquer la tuberculose à Dame Arthurine de la Villarmois. Si les espoirs de celle-ci se brisèrent en entendant le nom de la maladie, sa tristesse ne fut pas aussi grande que celle de son fils Nicolas. Le garçon de 12 ans sentit son cœur se serrer au point de presque cesser de battre quand il regarda la silhouette de sa mère allongée dans son lit, attendant déjà la mort. Son renoncement à la vie était palpable. Tout ce qui lui importait désormais était de soigner son apparence pour laisser l’image d’une femme belle, élégante et digne. Nicolas lui en voulait pour cela. Comment pouvait-elle penser l’abandonner ? Il voulut s’approcher d’elle, mais cela lui fut interdit. Ordre du médecin. De quel droit cet homme lui donnait-il un ordre ? De quel droit le privait-il de la liberté de voir sa mère ? Il ne dit rien, mais ne cacha pas son mécontentement. Son visage était plus fermé qu’une huitre et ses yeux étaient noirs de colère. Quand le médecin aurait quitté les lieux, il braverait l’interdit. Il avait une promesse à faire à sa mère.

Quand personne ne surveillait la porte d’entrée de la chambre de la malheureuse, il se faufila dans le couloir, tourna la poignée et entra. L’ambiance n’avait rien perdu de sa lourdeur.

« Mon fils, ne t’aventure pas ici. Le danger est trop grand. Je ne veux pas que toi aussi tu succombes à ce mal.

– Vous n’y succomberez pas. Je vous en fais le serment.

– Ne fais jamais aucune promesse que tu ne puisses tenir.

Sa voix était faible mais autoritaire.

– Je ne vous laisserai pas dans cet état. »

Nicolas embrassa sa main et sortit tout aussi discrètement qu’il était entré. Il savait qui pourrait trouver un remède, une mystérieuse personne que nul ne connaissait vraiment et autour de qui planaient les plus horribles et étranges histoires. Les villageois la traitaient de sorcière, de fille du démon. Pour eux, elle était à l’origine de l’épidémie qui frappait le pays. Un tissu de mensonges selon lui. À la nuit tombée, il irait la voir. Pour cela, il devrait s’enfoncer au cœur de la forêt la plus sombre, la forêt pourpre. Elle tenait son nom des nombreux éclairs de lumière violet pourpre qui en jaillissaient à n’importe quel moment de la journée.

Les étoiles étincelaient et rendaient l’obscurité moins effrayante. Quand Nicolas eut assez confiance en lui, il sortit de sa demeure, encapuchonné, les poches pleines de pièces d’or et une lanterne à la main. À cette heure il ne croiserait personne, même pas un brigand. La forêt pourpre n’avait pas la vertu d’inspirer la sympathie. L’enfant de 12 ans passa entre les sapins, les hêtres, les myrtilliers et le houx avec détermination. Était-il insouciant ? Était-il courageux ? Même lui n’était pas en mesure de répondre à ces questions. Sa seule idée était de trouver un remède pour sa mère, peu importe ce que cela lui couterait. Cependant, une bonne heure plus tard, Nicolas ne trouvait plus son chemin. Le sentier avait disparu, les hurlements des loups semblaient de plus en plus proches, il commençait à paniquer. Les lumières pourpres devraient rayonner ! Elles devraient lui indiquer le bon chemin ! Il brandissait la lanterne devant lui pour mieux voir ce qui l’entourait, mais la nuit était trop sombre. Que faire ? Il ne pouvait pas se résoudre à rebrousser chemin, il devait trouver la sorcière. Soudain, la lumière qu’il attendait apparut. Il courut dans sa direction à toute vitesse, mais ne fut pas assez rapide. Celle-ci s’éteignit, le plongeant de nouveau dans le noir. Ses sens étaient en alerte. La maison de la sorcière n’était pas loin, des bruits de pas et des murmures à peine audibles s’élevaient dans les airs. Il s’en approcha doucement. Un nouvel éclair violet provenant d’une maison en bois illumina de nouveau la forêt. Nicolas courut jusqu’à la porte d’entrée et s’apprêta à frapper, mais il hésita. Comment allait réagir la sorcière ? Il n’eut pas plus le temps de réfléchir. La porte s’ouvrit sur le poing de Nicolas toujours levé.

« Un enfant de ton âge ne devrait pas se promener si tard dans la forêt. Entre vite.

Nicolas ne se fit pas prier. Il commençait à avoir froid et à greloter.

– Où habites-tu ?

– Dans la demeure de Cantalien.

– Mets ce manteau. Je vais te raccompagner.

La sorcière enfila une cape et saisit une lanterne.

– Non madame ! Vous vous méprenez.

Il sortit deux poignées de pièces d’or de ses poches et les posa sur une table en bois qui se trouvait à côté de la porte d’entrée. Mais la sorcière s’offusqua en voyant toute cette richesse s’étaler là.

– Que veux-tu ? Et reprends ton or !

– Ma mère est malade. J’ai besoin d’un remède.

– La tuberculose ? Comme tout le village.

– Je sais que vous pouvez trouver un remède.

Nicolas insistait. Il était certain qu’elle pouvait l’aider.

– Crois-tu que tu es le seul à souffrir ? Crois-tu que tu es le seul à chercher une solution à tes problèmes ?

Elle marqua une pause.

– Quel âge as-tu ?

– 12 ans. Si vous ne voulez pas d’or, je peux peut-être vous venir en aide de quelque autre façon. Que souhaitez-vous ?

– Je ne pense pas que tu aies les capacités de m’aider.

– Je suis venu seul en pleine nuit depuis le village de Cantalien. Combien ont eu cette volonté ? Laissez-moi vous aider en retour.

La sorcière émit un long soupir. Le petit marquait un point. Elle resta un instant à l’observer, mais fut distraite par le crépitement de la braise et la projection de hautes flammes dans la cheminée. Nicolas fut impressionné de la manière dont le feu dansait chez cette sorcière, mais il ne dit rien, attendant qu’elle sorte de sa réflexion et lui donne enfin une réponse.

– Je vais t’apprendre ce que je sais en matière de remède. Espérons qu’ils puissent venir en aide à ta mère.

– Merci.

– Commençons avec ceci ! La distillation.

Elle lui tendit un amas de dessins annotés de toutes parts. Nicolas les observa avec attention et reconnut la représentation de l’étrange mécanisme en verre, posé sur une table en bois massif. Une grande sphère translucide contenant un liquide transparent, comme de l’eau et dans lequel flottaient des fleurs, était suspendue au-dessus d’un petit feu.

– Mon nom est Æther. Je vais t’expliquer le principe de la distillation. Ce que l’on obtient pourra entrer dans la composition d’un remède.

Elle donna un tabouret au garçon.

– Je me nomme Nicolas. »

Il resta attentif à tout ce qu’elle voulait bien lui apprendre. Il était subjugué ! Cette fameuse distillation lui apparaissant comme un secret qui lui était dévoilé. Était-ce de la magie ? Un miracle ? Tout dépend du point de vue.

Quand la distillation fut terminée, Æther éteignit de feu et en retira le flacon contentant la fameuse potion encore fumante, grâce à d’épais linges enroulés autour de ses mains. Celle-ci dégagea une odeur forte mais très agréable, ce qui surprit le garçon. La sorcière expliqua qu’à ce stade, il fallait transvaser la préparation dans des fioles hermétiques, car celle-ci était très volatile. Nicolas ne connaissait pas les sens des mots « hermétique » et « volatile », mais ne posa aucune question. Cependant, quand son professeur eut le dos tourné, il préleva quelques gouttes de la potion et la mélangea avec une autre, posée sur le plan de travail. Lui aussi voulait expérimenter des choses ! Malheureusement, ses écarts provoquèrent une explosion qui lui fit perdre l’équilibre après lui avoir roussi les sourcils et les quelques poils qu’il avait sur les avant-bras. Æther se retourna précipitamment, saisit l’enfant et l’éloigna du mélange et des bouts de verre dispersés partout sur la table et le sol. Elle ne dit rien, mais son mécontentement était palpable tandis qu’elle nettoyait les dégâts. Une fois terminé, elle regarda l’enfant droit dans les yeux, « Toute expérience se prépare et se réfléchit. »

Une heure après l’événement, Nicolas montra des signes de fatigue. Il bâillait sans cesse et avait les paupières lourdes. Æther le remarqua et prépara un lit douillet pour l’enfant qui s’endormit aussitôt. Aux premiers rayons du soleil, elle le réveilla. Il était temps de rentrer chez lui. La sorcière le raccompagna jusqu’à la lisière de la forêt. Elle le regarda s’éloigner, ouvrir une petite porte réservée normalement aux domestiques et entrer. Elle esquissa un sourire et repartit dans la forêt, certaine qu’elle le reverrait très bientôt.

Et le lendemain soir, il était là. Cette fois-ci, Æther lui exposa tout un éventail de plantes médicinales et leurs effets bénéfiques sur le corps. Elle lui montra les différents hydrolats, macérations et extraits qu’elle avait déjà préparés. Aussi, ils travaillèrent à un remède susceptible de soulager les troubles respiratoires de dame Arthurine de la Villarmois. Nicolas repartit dans la nuit, une fiole de son remède à la main. La sorcière ou plutôt l’alchimiste, insista pour le raccompagner, mais il refusa. Décidément, sa volonté était sans faille et son énergie était débordante. Æther était admirative.

Une journée passa pendant laquelle elle pensa à ce qu’elle pourrait apprendre à l’intrépide enfant. Mais ses cogitations furent interrompues. Comme chaque jour, elle avait allumé un feu dans son atelier. Et comme chaque jour, le dragon rouge prit forme dans les flammes pour s’adresser à elle.

« Je suis heureux que tu aies de nouveau ouvert ton cœur à un être de matière.

– Je le fais parce que tu me l’as demandé le soir où il est venu frapper à ma porte.

– Il t’a proposé son aide. C’est le premier humain depuis des dizaines d’années à avoir fait preuve de curiosité sans aucune convoitise. Vouloir apprendre purement et simplement.

– Je trouverai une solution pour nous réunir mon Amour.

– J’ai confiance en toi. Mais n’oublie pas que tu as le droit d’avoir une vie humaine désormais.

– Crois-tu que je ne comprenne pas ce que tu veux faire ? Ton pouvoir diminue chaque jour. Les humains sont de plus en plus dans l’obscurité, et de plus en plus malades.

– S’ils le sont, c’est aussi parce que ton pouvoir ne s’exprime plus.

– Je n’y arrive plus. Cette enveloppe charnelle est un enfermement. Il m’oppresse. Je n’arrive pas à m’en libérer !

Æther avait les larmes qui lui coulaient sur les joues. Elle était épuisée, usée par sa situation. Elle approcha sa main du feu.

– Arrête de te faire souffrir ! somma le dragon rouge.

Mais elle n’avait que faire de son interdiction. Elle toucha le feu comme s’il était une personne vivante, jusqu’à ce que celui-ci la brule. Le contact entre ces deux formes de vie émit une puissante lumière violette qui illumina le cœur de la forêt. Æther regarda sa main brulée à vif se guérir miraculeusement.

– C’est le seul acte de magie que je suis capable de faire désormais.

– Je refuse que tu continues ainsi.

Trois coups retentirent à la porte.

– C’est ton élève. »

Elle ouvrit la porte au jeune Nicolas, qui entra sans plus attendre. Il regardait chaque recoin de la pièce, alors qu’il retirait son manteau et ses bottes.

« Vous parliez à quelqu’un quand j’ai frappé.

– Est-ce une question ou une affirmation ?

– Je suis désolé, je ne voulais pas écouter.

– Mais c’est ce que tu as fait. Maintenant, tu vas vouloir me poser des tas de questions auxquelles je ne répondrai pas. Mets de côté ce que tu as entendu et mettons-nous au travail.

Elle rangea un peu sa table et son matériel.

– Mon père m’a parlé de la légende des deux dragons.

– Il ne faut pas croire tout ce que l’on dit.

– Pourquoi vous croirais-je plus que mon père ?

Il marqua une pause et conta son histoire.

– À l’origine des hommes, un dragon rouge et un dragon bleu sont venus sur Terre pour leur faire cadeau du feu. Mais un jour, un homme leur demanda de savoir le maitriser. Les dragons refusèrent. Il y eut une énorme explosion transformant le feu en flamme violette. Le dragon rouge emporta cette flamme au centre de la Terre, et fut forcé de continuer à donner le feu aux hommes. Le dragon bleu, lui, fut condamné à errer sur Terre comme un simple humain.

Æther ressentait à la fois une profonde tristesse et une grande colère. Tout ce qu’elle avait vécu lui revenait peu à peu à l’esprit. Mais elle garda son sang-froid.

– Ainsi, c’est cela que l’on raconte aux jeunes garçons pour s’endormir.

– Je vous ai entendu dire que vous étiez enfermée dans un corps et que vos pouvoirs diminuaient. Êtes-vous le dragon bleu ?

Elle le regarda en silence pendant un long moment, avant de se résoudre à répondre.

– À l’origine des hommes, le dragon rouge, nommé Sophisthea et le dragon bleu, Æther, sont venus sur Terre pour donner le feu aux hommes. Cela a transformé leur vie. Pendant des milliers d’années ceux-ci rendirent grâce aux dragons bienfaiteurs. Mais il y a 100 ans, un homme vil et cupide crut que s’il contrôlait le feu, le pouvoir des dragons, il serait le maitre de l’humanité. Il les invoqua dans leur temple le plus sacré, au cœur d’un volcan. Autour il avait disposé des pierres faites d’un métal particulier. Quand les dragons utilisèrent le feu, le métal se mit à fondre jusqu’à entrer en ébullition. Une ébullition si forte que le pouvoir des dragons était devenu incontrôlable. Une explosion violette se produisit et …pour me protéger… Sophisthea retourna au centre de la Terre, là où tous les dragons sont nés, là où est la source de notre pouvoir. En y emportant la flamme violette, il pensait pouvoir mieux la contrôler, mais en vain. Depuis, il en est prisonnier et est condamné à offrir cette puissance à l’humanité jusqu’à ce qu’il n’en ait plus… jusqu’à ce qu’il meurt.

Elle était désormais en larmes.

– Et vous, pourquoi vous êtes-vous retrouvée dans ce corps ?

– J’ai voulu protéger Sophisthea en m’enfermant, en enfermant mes pouvoirs dans un corps humain. Le dragon rouge est celui qui donne l’étincelle pour allumer le feu et le dragon bleu est plus léger, plus volatile, il utilise l’air pour alimenter le feu. Nos pouvoirs sont liés à jamais.

– Alors c’est l’énergie de la flamme violette qui actuellement nous permet d’avoir du feu dans nos cheminées.

– Si les pouvoirs de Sophisthea et les miens ne sont pas réunis, il n’y aura plus de feu et de souffle de vie. Les humains tombent de plus en plus malades parce que je ne peux plus utiliser mes pouvoirs.

– Vous m’avez aidé. Le remède a donné de bons résultats sur ma mère. Et j’ai promis de vous aider en retour. Laissez-moi essayer.

– J’ai déjà essayé beaucoup de choses. J’ai reproduit la flamme violette pour utiliser son pouvoir afin de me libérer, mais j’ai échoué. Cela ne nous libère pas.

– J’ai vu un éclair violet quand je suis arrivé. Comment faites-vous cela ?

– Je touche le feu.

– Mais il brule !

– Oui, à chaque fois ! Mais mon pouvoir me guérit. C’est désormais le seul miracle dont je suis capable.

Il perdit son sourire. Il pensait qu’Æther saisissait le feu métaphoriquement.

– Moi aussi je me suis brulé étant petit et j’ai gardé une cicatrice.

Il montra la marque située dans la paume de sa main droite. Elle sourit et changea de sujet.

– Voilà ta fiole avec le remède pour ta mère. Rentre chez toi.

– Si tôt !

– Tu en sais plus qu’il n’en faut. Et ne raconte rien de ce que tu as appris ici. À personne ! »

Il hocha la tête et repartit gaiement.

« Crois-tu réellement qu’il pourra nous aider ? Demanda Æther au dragon rouge qui venait de réapparaitre dans le feu.

– Tu l’as vu comme moi. Cet enfant n’est pas comme les autres. Donne-lui une chance. »

Elle reprit ses expériences. Comme à l’accoutumée des centaines d’éclairs violets jaillirent de la forêt, et le seul être humain qui en connaissait la raison était le jeune Nicolas. Elle ne cessait de penser que confier un secret aussi grand à un enfant aussi petit était une erreur. Saura-il tenir sa langue ? Sophisthea était plus confiant et tentait de rassurer sa compagne. Il savait quelque chose, elle le sentait. Pourquoi faire tant de mystère ?

Le lendemain, Æther vaquait encore à ses occupations d’alchimiste, quand en milieu d’après-midi, quelqu’un frappa à la porte. Elle trouva cela très inquiétant. Nicolas ne venait que le soir à la nuit tombée. Qui d’autre pouvait être là ? À sa grande surprise, il s’agissait du garçon de 12 ans, tout essoufflé, mais le sourire aux lèvres.

« Ma mère veut… ma mère voudrait… vous inviter à diner au domaine. Seriez-vous d’accord ?

Æther claqua la porte au nez du petit. Celui-ci insista et frappa avec vigueur sur la porte.

– Je t’avais expressément demandé de ne rien dire ! De ne jamais parler à personne de ce que nous faisions ici !

– Ma mère veut simplement remercier la personne qui a soulagé un peu son mal. Je n’ai rien révélé sur vos origines.

Elle rouvrit la porte.

– Tu en es certain ?

– Oui madame ! J’ai raconté que je vous avais acheté ce mélange de plantes et de fleurs.

– Parfait ! Mais ne compte pas sur moi pour le diner.

Nicolas était déçu mais s’attendait à cette réponse. Il se livra donc à un chantage.

– J’ai trouvé quelque chose concernant votre quête.

Il sortit un parchemin de son sac.

– Acceptez l’invitation de ma mère et je vous le donnerai.

Æther s’approcha et saisit sans ménagement le fameux document. Mais celui-ci était vierge.

– Est-ce que tu te moques de moi ?

– J’ai caché le vrai et vous le donnerai si vous acceptez de venir ce soir rencontrer ma mère qui souhaite simplement vous remercier.

– Je n’aime pas les menteurs.

Elle s’éloigna pour retourner à son expérience. Offusqué, l’enfant jeta une pierre grisâtre et brillante aux pieds de son maitre alchimiste et partit aussi vite qu’il était venu. Æther examina la pierre et reconnut le fameux métal qui les avait piégés, elle et Sophisthea, 100 ans plus tôt. Elle partit à la poursuite de l’enfant et le rattrapa sous un énorme chêne.

– Où as-tu trouvé ça ?

– Dans la bibliothèque de mon père, avec ceci !

Il lui tendit le véritable parchemin qui était simplement rangé dans son sac.

Un dessin y avait été tracé. Celui-ci représentait un volcan autour duquel avaient été placés six fragments de métal en cercle, plus une au centre. Au cœur du volcan se trouvait l’ouroboros.

– J’accepte l’invitation de ta mère. Penses-tu pouvoir me mener jusqu’à la bibliothèque ?

– Avec plaisir. »

L’affaire était entendue et Nicolas repartit triomphant.

Æther passa le reste de sa journée à se préparer comme il se devait dans de pareilles circonstances. Elle ne voulait pas être vue comme la sorcière qui vivait au fond de la forêt, ensorcelant les enfants pour les dévorer. Elle arriva au domaine de Cantalien à 18h sonnante comme le souhaitait Dame Arthurine. Un domestique lui ouvrit la porte et l’annonça à ses maitres telle une princesse venue d’une contrée lointaine. Elle joua le jeu et le diner se passa sans accroc. Quand une question lui était posée sur le remède, elle tâchait de donner une réponse vague, ce qui lui évitait de mentir. À la fin de ce succulent repas, Dame Arthurine se sentit fatiguée. Elle s’excusa auprès de son invitée et regagna sa chambre. Nicolas honora sa promesse en guidant Æther jusqu’à la bibliothèque.

« Pour quelle raison ton père n’a pas diné avec nous ?

– Il est en affaires. Il devrait rentrer ce soir ainsi que mon grand-père.

– Pressons-nous alors.

Elle entra dans un petit cabinet contenant un secrétaire en acajou, une chaise assortie et plusieurs livres disposés sur des étagères. C’était beaucoup moins impressionnant que ce qu’elle s’était imaginé.

– Tous les ouvrages sur les dragons sont ici. Là était rangé le parchemin et devant il y avait la pierre de métal.

Æther feuilleta des dizaines de livres et vieux parchemins. Elle était sidérée de ce qu’elle découvrait. Comment son père avait-il pu obtenir tout cela ? Elle lisait et relisait tout ce qu’elle trouvait concernant la flamme violette et était stupéfaite de ce que les humains en pensaient.

– La flamme violette est une énergie originelle de transmutation. Elle ne peut pas être possédée ou assouvie. Celui qui a réalisé le rituel de l’ouroboros a mal interprété son pouvoir. Mais que faire pour se libérer d’un rituel qui n’a pas fonctionné ?

– Il est écrit ici que pour libérer la lumière il faut ouvrir la matière.

– Ouvrir la matière… »

Ces mots laissèrent Æther songeuse.

Malheureusement, leur recherche fut interrompue par une domestique qui appelait le petit Nicolas. Celui-ci rangea précipitamment tous les livres et parchemins qu’ils avaient feuilletés, prit la main de son amie alchimiste et la mena jusqu’au hall d’entrée. Son père et son grand-père venaient de rentrer.

« Mon fils te voilà ! Viens embrasser ton père.

Nicolas s’exécuta.

– Ta mère semble en meilleure forme. C’est grâce à un remède que tu as trouvé m’a-t-elle dit.

– Oui père. Et voici la personne qui me l’a procuré.

Le père baisa la main d’Æther avec gratitude.

– Grâce vous soit rendue, lui dit-il.

En prenant sa main elle remarqua un symbole étrange, un cercle surmonté d’une croix tracé, telle une cicatrice, à l’intérieur de son poignet droit. Ce symbole, elle le connaissait très bien. Avant de s’enfermer dans le corps d’une femme pour sauver Sophisthea et l’humanité entière, elle avait marqué l’homme qui l’avait trahie, ainsi que tous ses descendants. Elle comprit pourquoi Nicolas avait une main brulée. Cela n’était pas un accident, quelqu’un avait voulu effacer sa marque.

– Voici mon père. Un fier homme qui prétend avoir 132 ans.

– Et il dit vrai.

Æther reconnut le visage, même vieilli de celui qui avait fait basculer le Statu Quo. Lui aussi comprit immédiatement qui elle était et il la salua comme une vielle amie.

– Mes hommages dragon bleu.

Ces mondanités la mirent hors d’elle. Comment pouvait-il se présenter ainsi après ce qu’il avait fait ? Sans plus attendre elle lança les hostilités :

– Terminons ce que nous avons commencé.

Elle usa des pouvoirs qui lui restaient pour le projeter violemment contre le mur de pierres dressé derrière lui. Il se releva sous les yeux effrayés de son fils et petit-fils qui ne comprenaient pas encore ce qui se passait. Il riposta avec tout autant de fougue, envoyant Æther dans une tapisserie. Elle était très surprise, d’où tenait-il sa force surnaturelle ? Son émotion se vit sur son visage et son ennemi ne put s’empêcher de rétorquer :

– Tu es étonnée dragon bleu. J’ai eu le temps d’être assez immergé dans la flamme violette pour me métamorphoser et obtenir une infime partie du pouvoir du feu. C’est de là que je tiens ma longévité et ma force.

Une lutte sans merci commença. L’un après l’autre, ils se projetaient sur les murs, les escaliers, les portes, dévastant tout sur leur passage. Nicolas avait les larmes aux yeux. Il avait peur de comprendre qui était son grand-père. Pourtant, il aimait cet homme avec qui il avait appris tant de choses. Il les sommait, les suppliait d’arrêter, mais rien n’y faisait. Il voulait s’interposer mais son père l’en empêchait. Æther plaqua sur le sol, sous une montagne de gravas, celui qui l’avait faite souffrir. Dame Arthurine réveillée et inquiétée par le vacarme qui régnait, avait rejoint sa famille. Elle aussi serait présente pour voir le dragon bleu vaincre son ennemi.

– Pitié ! Laissez-le partir ! Laissez-le partir ! Laissez-le partir ! hurla Nicolas, la voix tremblante de peur.

C’était un combat à mort et cela, il en avait conscience. Elle finirait par le tuer. Il devait réagir. Il devait trouver une solution. Dans la panique et la précipitation, il saisit une épée accrochée au mur. Son père voulut le retenir mais Nicolas se faufila hors de son étreinte, comme un poisson visqueux. Tandis qu’Æther et son grand-père recommençaient à se battre, Nicolas s’immisça entre eux, brandissant l’épée devant son amie pour l’effrayer. Il lui hurlait « Calmez-vous ! Laissez mon grand-père ! », mais elle n’écoutait pas. Elle ne le voyait pas. Lorsqu’elle se projeta encore une fois sur son ennemi, l’enfant se tenait encore devant elle et sans vraiment le vouloir planta son arme dans le corps de l’alchimiste. Il ne l’avait pas fait exprès, pas sciemment, il voulait simplement lui faire peur. C’était un accident. Cependant, le désastre ne s’arrêta pas là. Son grand-père aussi semblait succomber aux mêmes blessures. Pourtant, l’épée ne l’avait pas touché. Sa mère émit un cri de terreur et son père l’attrapa par le bras. Æther s’effondra sur le sol. Nicolas et son père s’approchèrent lentement d’elle et l’enfant lui prit la main. Il pleurait et demandait pardon. Il regardait aussi avec grande tristesse le corps de son grand-père. Qu’avait-il fait ? Elle lui souriait et dit :

– Il faut ouvrir la matière. C’était si simple.

Ce furent ces derniers mots dans ce corps. Une lumière violette emplit soudainement la pièce et un dragon bleu sortit du corps sans vie, qui prit feu instantanément. Æther virevolta dans la pièce pour finir sa course dans la poitrine de Dame Arthurine. Quelques secondes plus tard, elle en ressortit. Enfin, cette mère était guérie. Le souffle de vie avait empli de nouveau ses poumons. Il était temps de le redonner à tous et à chacun.

– Nicolas. Pour te remercier de m’avoir libérée et d’avoir ramené le Statu Quo, tu deviendras celui par qui la flamme renait »

Le dragon bleu plongea au centre de la Terre pour y retrouver son égal, son bien-aimé, le dragon rouge qui lui aussi avait retrouvé sa liberté.

Nicolas sécha ses larmes. Un autre cadeau lui avait été discrètement offert. Une petite pierre rouge vif était posée sur le sol à l’endroit exacte où se tenait l’enveloppe humaine d’Æther. Curieusement, elle avait la taille de la pierre de métal, qui une fois chauffée était capable de donner une flamme violette. Il la ramassa et la plaça soigneusement dans sa poche. Il la garderait en souvenir, le temps d’en comprendre toute l’essence.

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